Donner le dernier mot aux familles, lors de l'orientation en fin de troisième : c'est une des expérimentations lancées cette année par l'Education nationale. Le ministère vient d'en dévoiler les contours.

Une expérimentation pour l'instant modeste, puisqu'elle ne concerne pour le moment 117 collèges (sur 7.000) répartis dans 12 académies. Le principe ? Après avoir fait l'objet d'une proposition du conseil de classe et au terme d'une concertation approfondie avec l'équipe éducative, la décision d'orientation revient aux responsables légaux de l'élève ou à celui-ci lorsqu'il est majeur.
L'objectif, c'est de lutter contre ce qu'on appelle "l'orientation subie".
Oui. C'est ce qu'a rappelé vendredi Georges Pau Langevin, la ministre déléguée à la réussite éducative : "Le sentiment de l'orientation subie, en particulier vers l'enseignement professionnel, est identifié comme l'une des causes du décrochage parmi une pluralité de facteurs - scolaires, sociaux, familiaux, personnels qui peuvent y contribuer."
Il existait déjà des recours...
Oui, qui continueront d'ailleurs à concerner la plupart des collégiens. Quand la décision du conseil de classe n'est pas conforme à la demande de l'élève ou de sa famille, les parents ont la possibilité de faire appel de cette décision.
Avec de bonnes chances d'être entendus...
Oui et non. En moyenne, " 60 % des familles en désaccord avec la proposition du conseil de classe voient leur vœu initial entériné " - c'est ce qu'indique une étude de la Direction de l'évaluation et de la prospectiveUne étude qui vient de paraître, et dont le titre vous explique pourquoi la réponse est oui et non : elle s'intitule en effet : "Le déroulement de la procédure d'orientation en fin de troisième reste marqué par de fortes disparités scolaires et sociales".
Je cite : "à résultats scolaires et autres caractéristiques sociales donnés, les enfants d'agriculteurs, d'employés et d'ouvriers choisissent moins souvent d'être orientés en seconde GT que les enfants de cadres et d'enseignants, sans que cette moindre ambition ne soit corrigée par les décisions du conseil de classe".
C'est une sorte de double peine...
Exactement. Première étape : vous êtes issus d'un milieu modeste. Vos résultats sont inférieurs à ceux des enfants de cadres ou d'enseignants. Vous allez moins souvent demander une orientation en filière générale. C'est ce que l'étude appelle "l'auto sélection". Et même si vos notes sont identiques à celle par exemple d'un enfant d'enseignant, le conseil de classe va se satisfaire de votre choix, sans vous expliquer que votre enfant a peut-être le profil d'un élève de filière générale. Et c'est pareil lors des procédures d'appel.
A contrario, plus de 90 % des enfants de cadres, professions libérales et d'enseignants demandent une orientation en seconde GT, contre moins de la moitié des enfants d'ouvriers non qualifiés et d'employés de service aux particuliers, et à peine plus du tiers de ceux d'inactifs.
Mais alors si cette "autosélection" - ou cette autocensure - est aussi forte, ça ne va pas changer grand-chose de donner le dernier mot aux familles...
C'est effectivement le risque. Le ministère le sait. En fait la vraie nouveauté et le vrai enjeu de cette réforme vient avant, bien avant même, le conseil de classe et la procédure d'appel : c'est tout le travail de dialogue avec les élèves et les familles qui doit s'organiser tout au long de la classe de troisième. Sans cette anticipation, sans cet effort d'explication, d'information, les choses risquent de ne pas changer.
Est-ce que ce dernier mot aux familles concerne aussi le redoublement ?
Indirectement. En fait le redoublement en fin de troisième est devenu rarissime. Il ne concerne plus que 3 % des élèves. Mais une partie d'entre eux choisit le redoublement suite à une décision d'orientation en lycée professionnel. Donc avec la nouvelle procédure, ils pourront obtenir satisfaction, ce qui signifie que le redoublement va devenir insignifiant.
Le paradoxe, c'est que cela risque de mener plus d'élèves vers la filière générale, alors même que la voie professionnelle est une voie de réussite pour certains élèves qui sont fragiles au niveau scolaire...
C'est effectivement paradoxal, d'autant que George Pau Langevin défend la réforme en expliquant, je cite, que "l'enseignement professionnel doit être valorisé en tant qu'atout pour le redressement productif et l'insertion professionnelle des jeunes".
Il faut donc imaginer que le but réel du travail qui sera organisé pendant l'année de troisième avec les élèves et les familles va consister à en convaincre certains d'aller vers la voie professionnelle, afin qu'elle devienne une orientation positive et non pas liée à une "autosélection". Mais pour cela il faudra un profond changement de mentalité dans certains collèges, et notamment qu'on arrête, à résultat équivalent, de conseiller la voie générale aux enfants de cadres et d'enseignants et la voie professionnelle aux autres.
D'où l'intérêt de tester le dispositif sous forme expérimentale dans un premier temps.

Oui. Cela va permettre de comprendre ce qu'il faut mettre en place pour que cette réforme n'aboutisse pas à l'inverse de son objectif, qui est de favoriser l'équité et de limiter le décrochage.

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